Des oignons pour les stagiaires
Les oignons des Scaphandriers...
Jeune scaphandrier, j’arrivais donc à St Malo, en 1957, j’embarquais sur un chalutier loué par l’EdF pour procéder aux sondages du futur barrage du Mont Saint Michel. J’ai donc écris un livre sur cette année d’aventures quelquefois picaresques dont voilà un chapitre. ( en vente sur Book Editions)
Les ingénieurs qui nous dirigeaient tenaient leurs assises dans des bureaux de St Malo, recevaient de nouveaux confrères parisiens venus en stage,
Ces érudits jeunes hommes nous étaient envoyés à bord pour voir les résultats de nos recherches. Dans ce cas, il nous était autorisé l’achat de mets dignes de ces futurs cadres.
J’achetais donc une belle pièce de viande froide, bien tendre, un fromage convenable, surtout deux bouteilles de très bons vins.
Pendant l'heure de route, nous nous entassions tous dans l’étroite cabine de pilotage situé au centre du bateau. Le temps est souvent frais en Manche.
Tout d’abord, dès les premiers rouleaux de houle, une blancheur ivoirienne apparaissait sur les visages de nos stagiaires. Ils sortaient prendre l’air, vite de retour, chassé par quelques embruns. Le blanc ivoire passait au vert, et il s’ensuivait ce que vous imaginez. Inutile de vous dire que leur repas de midi était réduit, et plus souvent refusé. Nous, nous gobergions de ce qui avait été prévu à leur usage. Nous avions de temps en temps eu quelques résistants, voileurs du dimanche « .la navigation, on connaît, j’ai un Bélouga à St Raphaël… » Dans le cas de ces rares passagers, nous sortions le grand jeu.
Quelques coups de barre pour prendre la vague en travers, l’ouverture du panneau donnant sur le moteur diesel huileux, s’expliquant par :
« Fait frais aujourd’hui, un peu de chaleur, ça fait pas d’mal ! s’pas.. !
Sans oublier la fumée d’une pipe qui emplissait vite le volume de l’abri.
Pour en terminer, arme secrète, quelques tranches d’oignon cru, achevaient les malheureux. Ces remugles puissants, accompagnés de récits triviaux sur une digestion quelquefois difficile, venaient s’ajouter aux essences de ce légume.
Misérables victimes, le débarquement le soir de ces pauvres loques humaines, nous attristait un peu, mais le souvenir du repas de midi effaçait vite ces quelques scrupules tardifs. Surtout que deux semaines après nous allions recommencer. Nous étions toujours volontaires pour accepter ces stagiaires, contrairement aux collègues des autres bateaux, qui ne comprenaient pas notre engouement pour ces encombrants personnages.
En conséquence, bien vus par la direction nous passions pour des gens accueillants et serviables.
De plus, nos visiteurs ne désirant pas renouveler leur exploit, ajoutaient que très bien reçus, leurs rapports étaient terminés dans des délais rapides, le soir même, et qu’ainsi ils n’avaient pas à y revenir, c’est évident !
Nous, une fois tous les quinze jours, on se tapait un sacré gueuleton, car croyez-moi, un rosbif froid bien tendre, arrosé de deux bouteilles de Médoc. Cela ne pouvait que nous inciter à une récidive aussi altruiste.
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