Un chantier pharaonique...pas du tout écolo !
Un chantier pharaonique… Pas du tout Écolo !
Et pourtant…Le projet du barrage du Mt St Michel.
C’est en avril 1957 que je me retrouve parmi les 15 plongeurs de la Sogétram à St Malo pour l’étude d’un futur barrage du Mt St Michel.
C’est un immense projet destiné à utiliser ce que l’on n’appelelait pas encore les énergies renouvelables. Mais les ingénieurs de l’EDF qui eux étaient féru de de la rentabilité de l’énergie hydraulique venaient de concocter un projet qui allait alimenter la Bretagne si ce n’est un bonne partie du territoire.
Utilisant le courant des marées à grands coefficients de la baie du Mt St Michel il était prévu d’utiliser cette force conséquente.
On avait d’ailleurs commencé par un barrage pilote sur la Rance qui existe encore.
On avait barré cette rivière, elle aussi facteur des différences importantes de niveau d’eau, et on y avait installé des turbines dites groupes Bull, nouvellement mis au point et donc à l’essai.
Pendant ce temps là, nous les plongeurs de la Sogétram, nous devions faire des reconnaissances des fonds marins là où devait être implanté le grand barrage celui qui allait de Granville aux Iles Chausey et des dites iles à Cancale.
Une construction de 40 Kms avec des groupes répartis tout au long.
Utilisant une aile marine, par équipe de trois avec un navire, un chalutier de pêche loué à cet effet, nous plongeons tous les jours pour effectuer des prélèvements rocheux dont les échantillons étaient remis à une sommité géologique.
Ces travaux furent par la suite annulés, heureusement pour le Mont qui se serait retrouvé au milieu des terres…plus accessible aux touristes sans doute.
Mais, nous en avons eu des aventures. Je passe sur celles nocturnes avec les belles malouines, préférant vous conter celles vécues en mer et une en particulier.
Les bureaux Edf où nous prenions nos ordres se situait à terre devant la ville, bien au calme. Un matin au moment de sortir de l’Anse de Port mer, à côté de Cancale ou notre bateau était mouillé à l’abri, nous trouvons dehors une mer bien formée et un temps dont on se doutait qu’il n’allait pas s’arranger.
Appel radio à nos clients :
- Mauvais temps, vent d’ouest violent en rafales de plus de 20 nœuds.
Réponse, d’une voix jeune et autoritaire :
- Pas grave, cela va s’arranger, la météo annonce du beau temps avec un anticyclone venant du Groenland, continuez !
Le Groenland ce n’est pas la porte à côté et là en Manche, le vent d’ouest s’allonge. Le chalutier plonge dans les vagues, nous sommes à l’abri dans la cabine, cap au nord vers les îles Chausey
Très vite cela devient scabreux, une bouteille de réserve d’air, une grosse de 7 M3 vient de rompre ses amarres et de passer par-dessus bord.
Nouvel appel radio, un peu angoissé quand même.
Réponse idem, l’anticyclone est en route et se rapproche !
On se demande entre nous qui est l’hurluberlu qui nous répond. L’un des jeunes ingénieurs, stagiaires de passage en plein excès de zèle, sans doute.
Nous avons compris, et on fonce vers les îles Chausey pour se mettre à l’abri, ce qui est fait après une belle cavalcade dans les vagues toutes scélérates.
À la radio ce coup ci on entend un avis de tempête à tous navires se trouvant en zone Manche…
Là,au bureau notre interlocuteur à disparu remplacé par le Cdt Brézennec. Un ancien de la royale, qui nous demande e si nous ne sommes pas fous d’être allé jusqu’à Chausey, avec un temps pareil :
- Bande de jeunes couillons, maintenant vous êtes bloqués jusqu'à demain aux îles. Bon, l’Edf règlera vos frais d’hébergement pour la nuit à l’hôtel restaurant des îles.
Et, nous connaissant bien, il ajoute :
- Et pas d’excès surtout !
Déjà en arrivant à l’hôtel, nous détonnons avec nos tenues de travail un peu chiffonnées, nos cheveux hirsutes bien salés par les embruns et nos faces réjouies par ces deux jours de vacances. Surtout que nous sommes en arrêt devant le menu. Le propriétaire des lieux est inquiet devant cette horde famélique, car dans sa salle il y a là quelques yachtman distingués, dont des anglais high-life, tout comme nous bloqués dans l’île.
Il nous demande qui va prendre en charge les frais et sur notre conseil appelle St Malo. Nous craignons le pire car le Cdt Brézennec risque de nous mettre au régime. Coup de chance c’est le gardien des locaux, Milou un ancien Bosco, avec qui nous entretenons des relations amicales sur la base de quelques ormeaux que nous lui offrons de temps en temps. Et lui :
- Vrai gast ! On est au courant ! C’est des bons gars et surtout soignez les bien !
On nous offre les meilleurs chambres avec vue sur la mer…de plus en plus démontée, mais on s’en moque, bien au chaud sur la terre ferme
Et les agapes du soir vont se révéler à la hauteur de nos capacités d’absorption et disons le de nuisance vis-à-vis de ce jeune ingénieur qui nous a envoyé dans cette brafougne du siècle.
Les homards de l’aquarium disparaitront,
les bouteilles de Muscadet de la cave vont devoir être renouvelées rapidement, vu la rupture de stock.
Et le dessert un Kouin amman que nous avons demandé de grande taille va achever de nous fournir un souvenir ému de cette tempête.
L’Edf fera une enquête pour savoir qui à si bien insisté, les messages étant enregistrés. On ne préfèrera pas identifier le coupable, un stagiaire, fils d’une haute autorité.
Mais, par la suite nous serons pris très au sérieux sur nos avis maritimes.
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