Le Scaphandrier au centre de la terre
…dans une résurgence varoise.
C’était vraisemblablement vers 1962 ou 63, il m’était souvent demandé des interventions particulières. Ce jour-là le service des eaux de la ville de Toulon, me demandait d’aller explorer une galerie souterraine noyée, dans une résurgence située entre le Revest et Dardennes.
Il s’agissait d’une belle vasque d’eau claire où l’on apercevait effectivement un trou noir, dans un fond de 8/10 M, partant sous terre.
Il y avait là, un bel aréopage d’ingénieurs, donneurs de bons conseils, m’incitant, par des paroles viriles, à l’acte héroïque du genre :
- Vous qui êtes jeune et courageux, comprenez que si vous découvrez une galerie conséquente avec un fort débit, l’eau ainsi découverte sera distribuée aux Toulonnais.
De se lancer dans une description technique (pas technocratique, ceux-là n’étaient pas encore arrivés !) et mathématique à laquelle je ne comprenais pas grand-chose. Mais jeune et accessible aux belles paroles, je me sentais investi d’une mission républicaine. Me disant que j’allais sauver les Toulonnais risquant de périr de soif et qui sait...d’eau pour le pastis.
Je plonge donc avec quand même quelques précautions. Tout d’abord j’emporte avec moi une bobine d’un nylon solide comme fil d’Ariane. J’utilise un scaphandre léger de faible encombrement, création de la Spirotechnique.
Ensuite je me muni d’une lampe torche de belle taille m’assurant un large éclairage. J’ajoute, coincée dans ma ceinture, une petite lampe de secours. Ceci au cas ou l’ampoule de la plus importante me laisse dans le noir.
J’avais tout prévu. La nature, elle, allait en décider autrement.
J’arrive au fond de la vasque et je m’introduis dans le boyau qui n’a rien d’engageant. J’allume ma lampe. Une splendeur, de grands rochers bleus, un tapis de sable blanc ! Il faut savoir que ces eaux souterraines fraîches sont souvent cristallines. J’avance un peu et je tombe sur un bloc barrant ma route. Allons déjà fini…J’insiste et je trouve un passage étroit sur le bord gauche. Heureusement que j’utilise un scaphandre de peu de volume qui m’autorise à franchir cet obstacle. Je continue sur environ vingt mètres et là j’arrive dans une grande salle. C’est absolument magnifique. Avec mon puissant éclairage, je fais le tour cherchant la continuité de la galerie. Rien n’apparaît. Je vois juste des traces de courant d’eau sortant de failles étroites. Je sens que je n’irais pas plus loin et que mon exploration va se terminer là. Curieux quand même, j’envoie mon rayon lumineux vers le haut, cherchant un puits de remontée possible. C’est alors que j’ai une peur brutale qui me prend aux tripes. Le plafond de cette salle est constitué de gros blocs entassés les un dans les autres, c'est-à-dire coincés par leur propre poids.
Ce qui est déjà inquiétant. Ce qui est pire c’est que les bulles d’air de mon scaphandre, qui s'échappent vers le haut pénètrent entre les failles des dits blocs et font s’écouler le sable fin qui participe à leur blocage, suspendu ainsi, au-dessus de ma tête. Je décide donc de faire demi-tour calmement certes, mais rapidement. Je n’en ai pas terminé, hélas. Il faut savoir qu’à l’aller dans ce type de plongée, on évolue dans de l’eau très claire avec une visibilité de plusieurs mètres. Il n’en est pas de même au retour car les sédiments très fins soulevés par vos palmes ont transformé l’eau en chocolat crème. C'est-à-dire avec une visibilité zéro ou presque. C’est alors que j’utilise le fil d’Ariane pour le retour me déhalant lentement dessus. Second coup au cœur le nylon disparaît sous la grosse roche en travers du conduit. Première pensée…çà y est il est tombé pendant que j’étais dans la salle. Gardant ce qui me reste de sang-froid je pars vers la droite...Ouf, je vois la lueur du jour. Le fil s’était lui déplacé passant sous le gros caillou.
Je suis sorti bien vite. J’ai fait mon rapport, tout aussi vite, et je suis parti respirer l’air du Bon Dieu, jurant certes un peu tard « que l’on ne m’y reprendrai plus »
La plongée spéléo, c’est certainement ce qui se fait de plus dangereux. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui la pratique.
J’étais bien content de retrouver le paysage des collines varoises alentour.
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