En 1954, la photographie subaquatique.
Une histoire de pionniers…
Notre adresse Société Générale de travaux Maritimes et fluviaux était complétée par « Ponton Laboratoire… Face au 2 quai de la Râpée… »
Le ponton, c’était certain ! Pour le laboratoire c’était autre chose. Mais n’avions-nous pas créé notre entreprise communautaire pour mettre en commun la richesse de nos découvertes. Ladite richesse étant bien la seule, car pour le reste, c’était, comme on pourrait le souligner dans notre cas, l’immersion en dessous du seuil de la pauvreté.
Mais des idées, nous en avions, considérant qu’avant nous rien ou pas grand-chose ne s’était fait. Après COUSTEAU et ses fouilles archéologiques, c’était le vide sidéral… un vide que nous devions combler !
Et dans ce domaine André Galerne s’y employait fermement. C’est ainsi qu’un beau jour sollicité par EDF, nous avons eu à résoudre le problème de la réalisation de photographies subaquatiques dans les eaux turbides des barrages.
Aujourd’hui, quand vous circuler sur des portions de route éclairées par des réverbères distribuant une belle couleur orangée, dites vous bien que Galerne lui y avait déjà pensé en 1954. Je ne sais où il avait trouvé ses sources, mais il nous déclara un beau jour :
- Que l’éclairage orange, distributeur de rayons infrarouges, pouvait percer le brouillard donc les eaux troubles.
Nous, on y croyait dur comme fer, après cette énoncée ferme et pédagogique.
- Nous allons utiliser un éclairage de cette teinte soit en trouvant des lampes de cette couleur, ou en les badigeonnant d’une peinture orange.
Afin de mettre en pratique cette science toute nouvelle, EDF nous demanda de bien vouloir expérimenter notre théorie au fond du lac du barrage du Sautet.
Ouvrage situé dans l’Isère. Il y était donc prévu d’y réaliser des photographies subaquatiques en eau turbide.
Et pour être turbide, elle l’était, d’une belle teinte de chocolat au lait ! La main sur le masque, on ne voyait même pas ses doigts !
Nous étions assez pessimistes quand aux résultats. Galerne non ! Lui était convaincu du bien-fondé de sa méthode. Je vous explique :
Nous avions un appareil photo allemand, un Robot 24X24 dans une cocotte-minute,
matériel mis au point par Robert Diot d’une bonne facture cependant et qui fonctionnait parfaitement. De chaque côté sur une rampe métallique étaient fixées deux lampes Photolita orangées de 500 watts, alimentés sur câble et sur une prise de courant à terre. Ce qui revient à dire que nous avions du 220 volts au bout des doigts.
Devant notre inquiétude, Galerne nous rassura car disait-il :
- Dans l’eau, complètement immergés, vous ne risquez rien.
- Qui plus est l’étanchéité autour des lampes est assurée grâce à notre invention, le Galipo !
Alors là, il faut s’arrêter un instant sur ce Galipo. Je ne sais qui est l’inventeur de ce mélange isolant, ou censé l’être, mais il fallait avoir la foi. Il s’agissait d’un mélange de poix de marine, de gutta-percha et de cire. Le tout était mis à cuire dans une casserole sur l’un de nos réchauds de camping.
Il était ainsi obtenu une pâte visqueuse noire, qui telle de la guimauve était étalée à profusion autour du culot de la lampe soudée à l’étain sur les deux fils du câble producteur. La théorie était séduisante et ravissait par sa simplicité les ingénieurs de l’EDF présents.
Il en fut autrement dans l’utilisation, ce qui vous paraîtrait normal pour un prototype et une première expérience.
Il faut quand même se replonger dans le contexte de cette époque, en 1954 ! L’EDF venait de découvrir les Hommes Grenouilles et pas n’importe lesquels ! Ceux de Galerne, lui qui était l’ami du Commandant Cousteau, qui venait de plonger à ses côtés à Marseille pour aller chercher des amphores ! Croyez-moi c’était une sacrée garantie, une caution morale et même scientifique. Et nous autour, on y croyait, imprégnés de cette aura.
Alors l’aréopage de techniciens de l’Électricité de France présents sur les lieux, ils ne demandaient qu’à y croire eux aussi !
Galerne se mit à l’eau le premier, car il ne rechignait pas dans l’exemplarité reconnaissons le ! Et de nous donner des ordres brefs et appuyés :
- Vous branchez le courant quand je serais totalement immergé, vous aller voir les lampes s’allumer. Et après donner du mou sur le câble électrique, je descends jus qu’à la mire coloriée mise en place au fond, et je prends une bobine de photos. Lors de la remontée quand vous voyez à nouveau la lueur, cela veut dire que je suis prêt de la surface, vous coupez le courant.
Ce qui fut fait. Attente devant les bulles qui remontent à la verticale et soudain une faible lueur, très faible même. On coupe, Galerne apparaît. Sur les quatre lampes, trois sont bien noircies… La pellicule est extraite du Robot et développée immédiatement. Surprise de notre part il y apparaît effectivement les carrés dessinés sur la mire. Dans un flou, peut être artistique, mais apparaissant quand même. Les experts de l’EDF sont bluffés ! Fort discrètement, nous aussi.
Voulant parfaire et justifier nos résultats nous allons continuer pendants quelques jours où nous avons vécu des plongées mémorables.
Tout d’abord il nous fallait changer les lampes à chaque essai ; l’étanchéité du galipo, loin d’être parfaite, causait des courts circuits accompagnés d’explosions sous marines inquiétantes de nos spots lumineux.
Il ne fallait surtout pas sortir de l’eau avec l’appareillage si le courant n’était pas coupé, au risque de se voir transformé en malfrat texan subissant la peine capitale. Ce qui risquait de nous arriver quand toutes les lampes étant grillées, la lueur n’apparaissant pas, le copain qui surveillait en surface ne fermant pas le circuit. Au bout de quelques expériences malheureuses, nous avons trouvé la solution en laissant le matériel au fond et en le remontant en tirant sur le câble.
Mais en fin de compte, nous avons ainsi obtenu quelques images troubles.
L’idée de Galerne était bonne, largement démontrée actuellement avec les lampadaires anti-brouillards que je cite au début. De là à dire que la photographie sous marine en eaux troubles devenait possible serait allé un peu loin. Je vous le répète, en 1954, tout était à découvrir… et dans ce domaine nous avions l’esprit fertile.
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