L’épave du LCM du Havre
C’était vraisemblablement fin 1953 ou début 1954…
Nous vivions chichement sur la péniche, attendant chaque matin, l’ouverture d’un chantier possible. Alors pour être fin prêt, nous nous astreignons à un entraînement des plus viril.
Le soir, nous enfilions nos vêtements en caoutchouc mousse tarzan et il nous emmenait dans une nage souple qu’il nous exigeait silencieuse, bien plus loin que le pont d’Austerlitz.
Aussi, lorsqu’un matin Galerne arrive sur les crissements de freins vigoureux de sa traction avant 15/6, notre réaction à ses propos fut immédiate. Lui tenant un langage de colonel :
- Debout tout le monde ! Camus, Loridon, Cabro, nous partons au Havre rechercher une épave !
Dans les minutes qui suivirent, nous étions dans son véhicule, matériel chargé dans le coffre. De ce côté-là, nous emportions le stock complet, c'est-à-dire deux tribouteilles acier qu’il avait subrepticement récupérés à la Spirotechnique, notre mère nourricière, les détendeurs CG 45, et nos sacs perso.
Je passe sur le voyage effectué comme au bon vieux temps de la Résistance avec les virages sans changer de vitesse de sa robuste et vive Citroën 15/6.
Nous arrivons sur place et nous rencontrons le Client !
Un certain monsieur SH… je n’ai pas son nom précis en mémoire. Portant beau, manteau noir costar idem, feutre taupé, mais la mine chafouine.
Galerne se fait explique cette histoire d’épave et ce qu’il en découlait.
Le louche client de nous raconter :
- Il s’agit d’un LCM, coulé après le débarquement, en 1944, qui avait à son bord des ballots de laine. Je voudrais en connaître l’état pour éventuellement récupérer le chargement ou l’ensemble.
- Qu’a cela ne tienne répond Dédé, nous allons effectuer une plongée d’expertise. Avez-vous un navire ?
- Bien sûr, réponds l’autre, un bateau de renflouement avec tous les scaphandres et les pompes
Galerne de s’esclaffer :
- Nous n’aurons pas besoin de ces engins anciens, nous avons nos scaphandres Cousteau.
C’est ainsi que le lendemain, nous nous retrouvons en pleine mer, devant l’embouchure de la Seine. Il fait un temps gris courant dans la région. Il y a une belle houle qui m’a transformé en chiffe molle, aussitôt sortie du port. Galerne demande à Claude Camus de faire cette reconnaissance subaquatique.
Il se met à l’eau et disparaît immédiatement à nos yeux car la mer est d’un vert opaque, avec certainement une visibilité des plus réduite. Les bulles apparaissent en surface et au bout d’environ une demi-heure, Claude refait surface. Il tient en main une espèce de pelote noire et visqueuse qu’il lâche sur le pont devant le client :
- Voilà votre laine ! L’épave est ouverte, des tas de cette matière apparaissent, certainement le chargement. J’ajoute qu’il y a qu’un demi mètre de visibilité !
Le client fait grise mine et répond qu’il va réfléchir et qu’il nous contactera plus tard. André lui parlant du paiement de notre intervention, il nous demande de passer le lendemain matin à son bureau pour nous remettre un chèque, du montant de notre expertise..
Aussi le lendemain, nous sommes dans les bureaux du sieur SH… qui naturellement est absent, mais va revenir de suite nous dit une secrétaire.
Après deux heures d’attente, Dédé commence à s’impatienter. Il nous est dit qu’il doit être au port, sur les quais. Va commencer alors une véritable chasse à l’homme, dans une traction avant rendue nerveuse, transportant des individus faméliques, dans le style libération de Paris.
Le plus grand, notre directeur manifeste des signes de colère évidents. De temps en temps nous revenons, vers le bureau, voir si notre gibier de potence n’est pas de retour. C’est d’ailleurs là que l’un d’entre nous, lorgnant deux beaux casques de scaphandre en cuivre, propose de s’en emparer sous forme de règlement.
À nouveau, redémarrage et recherche cette fois dans les bas quartiers. Nous finirons par le découvrir dans une réunion qu’il tient avec d’autres personnages aussi louches que lui
Il essaye, en fait, de les prendre comme associés. Notre arrivée intempestive crée un froid. Un ange passe avec des palmes aux pieds ! Galerne lui affiche sa tronche de breton prêt à en découdre. De froid cela devient glacial. Surtout que le SH…nous présente comme des concurrents éventuels. Il a toutes les audaces !
Ne désirant pas nous payer, n’en ayant sans doute pas les moyens, il nous donne l’adresse d’un entrepôt où nous saisirons un casque de scaphandre lourd en cuivre du plus bel effet.
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