Le-Scaphandrier

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Jean Alinat le dernier des pionniers de la plongée sous marine nous quitte...

JEAN ALINAT

21 juin 1917- 19 juillet 2015

Biographie réalisée par Franck Machu.

Jean Alinat est né le 28 juin 1917 à Agde. Il est le dernier des pionniers de la plongée sous-marine à disparaître.

Sa première plongée fut impromptue et très précoce. Il avait 3 ans et glissa dans l’eau. La sensation fut bonne, et ne l’avait pas le moins du monde effrayé. C’était sur la plage de Sormiou, où ses parents, alors résidents à Marseille venaient passer leurs dimanches après-midi. Au soir de sa vie, il s’en souvenait encore très distinctement.

Il entre à l’école en 1934 et en sort diplômé de la promotion 1937.

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Il devient enseigne de vaisseau de 2ème classe enen sptembre 1939 et de première calasse enoctpbre 1940, lieutenet de vaisseau en 1945. Il débute sa carrière d’officier de marine en 1946 sur le dragueur de mines326, sister ship du YMS826 (future Calypso). C’est d’ailleurs sur les conseils d’Alinat que Cousteau se décidera à chercher cet YMS qui deviendra sa Calypso.

À sa demande, le 7 juillet 1947, il intègre le Groupe de Recherches Sous-Marines (GRS), créé deux ans plus tôt par Philippe Tailliez et Jacques-Yves Cousteau et Frédéric Dumas. Là il fait son apprentissage de la plongée, au contact même du trio qui en inventa les contours et le matériel. Il devient second du GRS lorsque Cousteau prend le commandement du bateau support de plongée Elie Monnier, nouvellement acquis au GRS. Il démontre rapidement des qualités exceptionnelles et marque de son empreinte le GRS. Jean Alinat invente la notion de plongées successives, et leur fameux « coefficient de majoration ». Les tables de plongées successives de la Marine Nationale seront jusqu’à leur complète refonte en 1959, les tables Alinat. Son apport au premier manuel de plongée « La Plongée en Scaphandre » coécrit par Dumas, Cousteau, Tailliez, Alinat et Devilla, est en cela essentiel.

Il prend part en 1948 aux premières fouilles archéologiques sous-marines, sur l’épave de Mahdia en compagnie de Cousteau, Tailliez et Dumas.

Alinat est affecté sur le Duguay-Trouin en février 1949, puis en Indochine en janvier 1950, à Saigon, où la France est en guerre. Il a pour mission de créer un groupe de plongeurs en scaphandre capables d’effectuer diverses interventions mais aussi de s’opposer aux plongeurs ennemis. Il se confronte aux courants forts des eaux troubles du fleuve Mékong.

Ci-dessous Philippe Tailliez et Jean Alinat sur L’Elie Monier du GRS (photographie Marine Nationale).

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 Il rentre d’Indochine en juin 1951 et passe quelques mois à Toulon avant d’obtenir le grade de Capitaine de Corvette et de prendre le 8 octobre 1951, le commandement de l’Elie Monnier du GRS devenu GERS (Groupe d’Etudes et de Recherches sous-Marines) suite au départ du Commandant Houot. Durant deux ans, jusqu’en octobre 1953, il s’illustre encore par des apports essentiels aux équipements de plongée. Contribue à la mise au point de l’appareil DC52, appareil recycleur en circuit semi fermé, pour plongées jusqu’à 60 m. Il participe aux essais des premiers scooters sous-marins, ainsi qu’aux premiers traineaux, utilisés par les plongeurs démineurs. Il contribue au premier plan à la mise au point du scaphandre à circuit fermé OXYGERS en 1952.

Il devient commandant de l’école des Nageurs de Combat de la Marine d’octobre 1953 à novembre 1956. Au cours d’une plongée de routine à Cap Martin, sur un fond de 28 m où il reste 30 minutes, il fait un accident de plongée dit « immérité ». Quinze minutes après être sorti de l’eau il se retrouve paraplégique. Aucun caisson de recompression aux alentours. On le fait regagner Toulon en voiture pour rejoindre le caisson hyperbare. La route est un vrai supplice. Deux heures après il retrouve l’usage de ses jambes, mais il lui faudra plusieurs années pour retrouver ses pleins moyens.

Il obtient alors le grade de Capitaine de Frégate et devient second du TARTU jusqu’en juin 1957.

A la demande de Jacques-Yves Cousteau, il est mis en mission Hors Cadre pour le ministère de l’Education Nationale pour être son adjoint à la Direction du Musée Océanographique de Monaco. Poste qu’il occupera pendant 32 ans. En janvier 1966 il demande sa mise à la retraite et continue à travailler avec Cousteau jusqu’au départ de celui-ci en 1989.

Ci-dessous Jean Alinat et Jacques Yves Cousteau à bord de la Calypso pour les essais de la caméra Edgerton à grande profondeur (1956/57/).

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Jean Alinat contribue très fortement aux progrès dans la compréhension de la physiologie de la plongée, la plongée à saturation, la plongée aux mélanges. Bien avant les hautes heures des expériences Comex des années 70, 80 et 90, Alinat est une référence, au même titre que le Docteur Cabarrou, que le Professeur Chouteau, ou que le docteur Fructus. Il n’est ni médecin, ni physicien, ni ingénieur. Il est tout cela à la fois. Il a beaucoup œuvré auprès de Cousteau dans les grandes œuvres de la pénétration du monde sous-marin, mais aussi de l’océanographie. Il a une compréhension des phénomènes, une hauteur de vue, une maitrise de toutes les avancées technologiques, et une capacité de synthèse qui font de lui une sorte de génie, que l’on consulte, et dont l’analyse est extrêmement précieuse. Les succès des opérations Précontinent 1, 2, et 3 lui doivent beaucoup. La Troika, l’Amphitrite, les bouées laboratoires, les relevés bathymétriques RANA, les magnétomètres, et même l’Alcyone, lui doivent quelque chose.

Ci-dessous Jean Alinat et Jacques Yves Cousteau au cours de l’expérience Précontinent 3.

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Son grand trait de caractère est son humilité, son absence de revendications égotiques. C’est un homme qui en impose, qui a une prestance et une autorité naturelle, et qui sait, en officier de marine, ce que diriger une équipe veut dire. Vous ne trouverez pas beaucoup de photos de Jean Alinat, ou alors en arrière-plan. Portant il était de toutes les grandes heures de la conquête du milieu sous-marin, comme maître d’œuvre, comme penseur, œuvrant en coulisses, veillant à tous les rouages, faisant des nuits blanches quand des océanautes jouaient leur vie sous sa responsabilité. Sa place à lui n’était pas celle du chef d’orchestre. Il avait beaucoup trop de respect et d’admiration pour vouloir lui faire de l’ombre. Il a partagé avec Cousteau ses rêves les plus fous et a donné de son génie et de sa personne pour les concrétiser, mais sans jamais chercher le devant de la scène.

Ci-dessous Jean Alinat, Nicole Davso (secrétaire de JYC), jacques Yves Cousteau au Musée de Monaco.

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Il sera néanmoins honoré plusieurs fois : Officier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre, Mérite maritime, Palmes académiques.

Il décède à l’âge de 98 ans. Un très grand monsieur disparaît.



22/07/2015
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